Un beau jour de l’an 1932 s’ouvrait l’ « Alhambra », rue Toreille, à Vence. On pouvait y goûter les plaisirs nouveaux du cinéma parlant, et en même temps s’offrir un pas de danse, à la « Cocarde », qui se trouvait juste à côté. Vence réaffirmait ainsi sa qualité de ville à part entière.
Une « ville à la campagne », certes, comme nous la voulons aujourd’hui encore. Mais une vraie ville, c’est-à-dire un lieu où se conjuguent des activités très diverses. Vence, tout le centre historique en témoigne, était à la fois un lieu de pouvoir politique et religieux en même temps qu’une cité où vivaient, côte à côte, une majorité d’agriculteurs et une minorité non négligeable de commerçants et de juristes. Au siècle dernier, cet équilibre a été remis en cause. Mais les qualités propres de cette ville, de son site, de sa situation dans le moyen pays, ont contribué à ce que se retrouvent ensemble ces mêmes agriculteurs en cours de mutation sociale et professionnelle avec des artistes, des professions libérales, des hôtes venus du monde entier, des artisans de tous bords. La cohabitation qui en résulte est complexe, mais source d’enrichissement pour tous.
Cette cohabitation, c’est un berger de Vence qui fait découvrir à Dubuffet les richesses du Col de Vence. C’est Matisse qui suggère à Alphonse Chave, commerçant en papiers et crayons dans l’avenue Marcelin Maurel, d’ouvrir une galerie d’art. Réciproquement, si l’on peut dire, c’est une petite religieuse de Vence qui lance Matisse dans la grande aventure de sa vie : la réalisation de la Chapelle du Rosaire…
Cette cohabitation doit se gérer au niveau de la vie quotidienne. Son bon déroulement, nous le savons bien, suppose, des espaces publics propres et sûrs, des lieux de rencontre et de sport pour les jeunes, des écoles pour les enfants, une bonne prise en charge des aînés, des commerces variés et accessibles, et bien d’autres choses encore…sous réserve de ne pas alourdir les impôts locaux !
Oui, une petite Ville comme la notre, a peut-être besoin, de temps à autre de respirer l’air du large, de rencontrer surprise et émotion, qu’elle nous soit apportée par un pianiste comme François-René Duchable, d’un écrivain comme Witold Gombrowicz, ou d’un chanteur comme Robert Charlebois…
Or, force est de constater que nous n’avons pas, à Vence, de lieu qui permette d’accueillir valablement cet « air du large ».
Nos salles de sport (« Jean Dandréis » et « Jacques Falcoz ») sont déjà sur-employées. En outre, elles ne répondent pas aux normes d’une salle de spectacle digne de ce nom, il faut bien le dire. La place du Grand Jardin n’est pas opérationnelle toute l’année. D’abord, pour des raisons météorologiques évidentes, ensuite parce qu’il n’est pas possible d’imposer à ses riverains une contrainte qui aille au-delà de ce qui existe déjà aujourd’hui. On peut en dire autant de la place Clémenceau ou de la place Godeau.
Dès lors, en un mot comme en cent, Vence a besoin d’une salle qui puisse accueillir d’un bout de l’année à l’autre des spectacles de qualité, tant en ce qui concerne la musique, que le théâtre, la danse et les variétés. En outre, un tel lieu serait évidemment en mesure d’accueillir les conférences culturelles, et les symposiums de toutes sortes.
Pour répondre à ce besoin, qui semble incontestable, il faut tout de suite reconnaître que notre ville n’a pas, à elle seule, la capacité financière de construire une telle structure, ni même d’en assurer, une fois construite, de bonnes conditions de fonctionnement.
Face à ce constat, on peut être tenté d’ignorer un tel besoin, et se garder en conséquence d’en évoquer le projet.