Une rencontre

Posted on 16 Nov 2017 | 0 comments


J’ai du mal à écrire ce qui va suivre. Et pourtant, il faut que je l’écrive.
12 novembre2017.

Je déjeunais tout à l’heure, avec Anne, mon épouse, à la terrasse couverte du restaurant « La Régence ». Vers la fin de notre repas, j’ai constaté que j’entendais clairement ce qui se disait derrière moi. Il s’agissait d’une conversation entre des personnes qui prenaient leur repas à une table immédiatement voisine de la nôtre, sur la même terrasse couverte de « La Régence ».
Et je dois avouer, même si ce n’est pas brillant de ma part, que je me suis mis à écouter les propos qui s’échangeaient près de moi. Ceux qui les tenaient, de toute évidence, ne se savaient pas écoutés. Leur conversation évoquait les évènements qui ont conduit à l’indépendance de l’Etat Algérien, où vivaient alors mes voisins. Les évènements évoqués étaient complexes, mais ils étaient rapportés dans des termes qui n’exprimaient pas la réprobation.
Cela dit, j’ai vite compris que mes voisins étaient juifs. Et la conversation s’est peu à peu orientée vers ce que leur ont inspiré les évènements qu’ils venaient d’évoquer. Ces évènements ont comporté indéniablement des difficultés pour les juifs. Et la conversation a finalement amené la question suivante : qu’est-ce qui explique l’hostilité que les juifs ont souvent rencontrée, durant leur histoire et qu’ils rencontrent encore aujourd’hui? Et cette question était d’ailleurs posée sans acrimonie à l’égard de ceux qui avaient pu la formuler
C’est alors que j’ai éprouvé le besoin de m’adresser à mes voisins. Pour m’excuser d’abord d’avoir écouté leur conversation sans qu’ils m’y aient, le moins du monde, autorisé. Et, ensuite, pour leur soumettre, avec une audace à la fois indiscrète et naïve, une réflexion que m’inspire la question qu’ils venaient d’évoquer.
Voici cette réflexion : en chargeant les juifs de telle ou telle mauvaise action, on ne prouve pas qu’ils en sont coupables, mais on a du moins l’avantage de définir avec certitude les gens sur lesquels porte l’accusation qui est formulée à tort ou à raison. En d’autres termes, en accusant les juifs de tel ou tel forfait, on ne démontre certes pas qu’ils en sont coupables, mais on définit clairement ceux qui en sont accusés.
On a assisté, hélas, bien des fois au fonctionnement de ce mécanisme et aux massacres qu’il a permis de réaliser.
Ce mécanisme est une triste honte, contre laquelle chacun doit lutter.
Voilà ce que j’ai envie de dire à ceux qui furent, dimanche dernier, mes voisins de table.

Pierre Marchou

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