Un silence dangereux

Posted on 5 Fév 2018 | 0 comments


Un silence dangereux pèse sur la communauté internationale.

Il faut briser ce silence et rappeler un fait qui constitue une grave menace pour notre monde : cinq millions de personnes vivent aujourd’hui dans 59 camps de réfugiés situés en Jordanie, au Liban, en Syrie, dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, en Egypte et en Irak.

Ces réfugiés sont des Palestiniens et des descendants de Palestiniens dont le lieu de résidence était la Palestine, entre juin 1946 et mai 1948, et qui ont perdu leur domicile en raison du conflit israélo-arabe de 1948.

Un « Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche Orient » ( UNRWA ) a été créé par la Résolution 302 (IV) de l’Assemblée Générale des Nations-Unies du 8 décembre 1949. Son but est de répondre aux besoins essentiels des réfugiés palestiniens en matière de santé, d’éducation, d’aide humanitaire et de services sociaux.

Le dernier budget de l’UNRWA dont nous avons connaissance est celui de 2008. Il se monte à 1 122 millions de dollars. Les principaux apports financiers viennent des Etats-Unis, de l’Union Européenne, de l’Arabie Saoudite et du Royaume-Uni.

Mais il faut rappeler que les bénéficiaires de cette aide vivent actuellement sous la tente, dans les 59 camps cités plus haut.

Force est de constater qu’aucun organisme officiel n’a été prévu pour leur donner la possibilité de prendre pacifiquement la parole. Il faut bien voir que, malheureusement, le seul moyen dont ils disposent, aujourd’hui, pour s’exprimer publiquement, est l’agression par des mots et par des actes. On peut qualifier ces mots et ces actes de « terroristes ». Mais, à l’évidence, le silence de la communauté internationale sur ce problème semble, malheureusement, l’expliquer, à défaut de le justifier.

Il est urgent qu’elle sorte de son silence.

Et cette urgence nous invite à monter à Jérusalem !

Sur notre route, nous nous arrêtons dans le camp de Husn, situé au nord de la Jordanie. Il abrite – si l’on peut ainsi s’exprimer – 16 230 réfugiés palestiniens. Comme la majorité de ces réfugiés, Karel a, aujourd’hui la nationalité du royaume hachémite de Jordanie. Il dit se sentir d’avantage jordanien que palestinien. Selon lui, la décision du président américain de reconnaitre Jérusalem comme capitale d’Israël a contribué à focaliser l’attention des médias sur la Ville sainte et, du coup, à raviver un peu la cause palestinienne. « Si je le pouvais, je remercierais Donald Trump » s’amuse-t-il.

Et il faut bien admettre que, en annonçant, le 6 décembre 2017, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’Etat juif par les Etats-Unis, Donald Trump n’a pas, pour autant, pris position sur la question du statut final de la cohabitation israélo-palestinienne. Il a même déclaré que les Etats-Unis soutiendraient une solution à deux Etats.

On peut se poser la question de savoir où en est, aujourd’hui, le projet de créer un Etat Palestinien.

L’ « Autorité Palestinienne », instituée en 1994 dans le cadre des Accords d’Oslo, est censée préfigurer un Etat Palestinien. Depuis 2005 elle est dirigée par Mahmoud Abbas. Elle concerne le territoire de la Cisjordanie.

Cela dit, il faut constater que cette « Autorité Palestinienne » ne dispose d ‘aucune force civile ou militaire susceptible de faire respecter ses décisions. C’est dans ces conditions que des individus incontrôlés , en 2015 , ont organisé , en Cisjordanie, des tirs de missiles destinés à détruire des constructions civiles en Israël. L’ « Autorité Palestinienne » ne disposait, répétons-le, d’aucun moyen civil ou militaire pour empêcher ces attentats. Et c’est donc l’Etat d‘Israël qui est intervenu, légitimement, sur le territoire théoriquement gouverné par l’Autorité Palestinienne, pour mettre fin à ces agressions.

Néanmoins, de nombreux pays reconnaissent, en la Cisjordanie, un Etat Palestinien. Il s’agit d’une majorité de pays arabo-musulmans. Mais on y trouve aussi la Suède. En France, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, en 1994, une résolution non-contraignante invitant le gouvernement à une reconnaissance de l’Etat palestinien…

Il convient aussi de noter la récente prise de position du Pape et du Saint-Siège, par la voix de l’ « Osservatore Romano », en faveur d’un statut quo à Jérusalem.

Continuons notre marche vers Jérusalem. Dans sa boutique de souvenirs, à quelques minutes de la basilique de la Nativité, à Bethléhem, Moussa, Palestinien âgé de vingt ans, interviewé par le journal « La Croix », déclare : « Deux Etats, je n’y crois pas car les Israéliens ne voudront jamais enlever les colonies qu’ils ont sur nos terres. Le plus simple, ce serait d’avoir un seul Etat, avec Jérusalem comme capitale. »

Moussa, comme un certain nombre de Palestiniens, semble pessimiste face à la possibilité de créer un Etat Palestinien.

Dans son appartement de la Vieille Ville, à Jérusalem, Nicolas, Palestinien lui aussi, rejoint le pessimisme de Moussa : « Je suis pour la solution à un Etat. On pourrait même faire de cet endroit un lieu international, où tout le monde pourrait venir. »

Une seule entité à Jérusalem, sans mur de séparation et sans check-point : l’idée a de quoi séduire. Considérés comme « résidents étrangers » d’une ville qu’ils habitent souvent depuis toujours, les Palestiniens ont une vision pessimiste de leur avenir. Avec 75% de la population sous le seuil de pauvreté, pour une densité 8 fois plus importante qu’à Jérusalem-ouest, leur vie quotidienne n’est pas facile.

Palestiniens, mais séparés de la Cisjordanie par un mur, les habitants de Jérusalem-est se sentent souvent les « laissés pour compte » d’une administration palestinienne peu intéressée par leur situation. Près de la porte de Damas, le ressentiment contre Mahmoud Abbas, l’actuel Président de l’Autorité Palestinienne est très fort. En Cisjordanie 70% des personnes interrogées souhaitent voir Mahmoud Abbas démissionner, un pourcentage qui monte à 80% dans la bande de Gaza.

« La solution ne viendra pas des Palestiniens. Nous voulons la paix. C’est désormais à la Communauté internationale et non plus aux Américains d’agir! » s’exclame Nabila Kilani, qui vit à Beit Lahiya, dans le nord de la Bande de Gaza.

Un avis que partage Hanan Ashrawi, de l’OLP. « La Communauté internationale a permis la création de l’Etat d’Israël, c’est donc à elle de prendre ses responsabilités désormais. »

Et il faut bien admettre que la communauté internationale ne peut pas se permettre de laisser de côté, comme elle semble le faire aujourd’hui, le problème grave que pose le fait que la Cisjordanie n’est pas gérée par un état digne de ce nom.

Il appartient aux Etats européens de prendre, de toute urgence, ce problème en charge. Ils doivent, à l’évidence, sortir du silence dangereux où ils semblent s’être confinés.

Pierre Marchou

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