« Bienvenue Place Beauvau »

Posted on 27 Mar 2017 | 0 comments


Les auteurs du livre qui porte ce titre mènent, depuis deux ans, des enquêtes qui mettent en évidence la main-mise du pouvoir politique sur l’ensemble des services publics qui gèrent, en France, les questions judiciaires.

Selon ces trois auteurs, cette situation est ancienne.On peut lire, en page 13 du livre : « Comme leurs prédécesseurs, mais avec moins de talent et de rouerie, Hollande, Vals, Cazeneuve et les autres ont joué avec l’appareil judiciaire à des fins souvent électorales. »
Et on lit, en pages 25-26 du même livre : « Pour orchestrer les affaires judiciaires, il existe une mécanique aussi complexe que redoutable. D’abord il y a Tracfin, le service de renseignement financier de Bercy. Chaque semaine, le patron de Tracfin prend le chemin de l’Élysée pour assister, avec les directeurs de six autres services secrets à la réunion organisée par le coordonnateur du renseignement. Pour allumer la mèche d’une affaire politico-financière, il suffit que Tracfin pêche au bon endroit, remonte dans ses filets une infraction, et la transmette officiellement à la justice. Ou, officieusement, à un service enquêteur qui se chargera de mener « une enquête d’initiative » avant qu’un magistrat ne la reprenne à son compte.
Une fois la machine lancée, le dossier emprunte un alambic judiciaire sous le regard du Directeur des affaires criminelles et des grâces, Robert Gelli. »
On peut lire, aussi, p. 37 : « Le constat est rude. L’impréparation, la méconnaissance de l’appareil policier et judiciaire ainsi que les circonstances ont très vite amené François Hollande à renier ses principes et adopter des méthodes qui n’ont rien à envier à celles de ses prédécesseurs. »
De quelles méthodes s’agit-il? 
Je me contenterai d’un seul exemple : la tactique adoptée par le gouvernement actuel dans la campagne qui se déroule sous nos yeux en ce qui concerne la candidature de François Fillon à la présidence de la République. 
François Fillon a été mis en examen, mardi 14 mars, pour « détournement de fonds public », « complicité et recel de détournement de fonds publics », « complicité et recel d’abus de biens sociaux », et « manquements aux obligations de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique », selon plusieurs sources judiciaires.
Force est de constater que les fonds en question ne sont pas soumis aux règles de la comptabilité publique; ils ne sont pas payés par un agent comptable public (le payeur de l’Assemblée n’appartient pas à cette catégorie) et leur emploi ne relève pas du contrôle de la Cour des Comptes. De leur coté, les comptes de l’Assemblée Nationale font l’objet d’un examen annuel par une Commission des Comptes « ad hoc » au sein de l’Assemblée Nationale.
Dès lors, l’incrimination de détournement de fonds publics ne résiste pas à l’analyse juridique. Il n’y a aucune possibilité pour l’institution judiciaire de contrôler l’emploi de ces fonds, du fait de la séparation des pouvoirs : pouvoir parlementaire d’une part, pouvoir judiciaire d’autre part.
 C’est au Bureau de l’Assemblée Nationale de fixer les règles d’utilisation des crédits, c’est à lui et à lui seul d’en contrôler l’application. C’est un principe constitutionnel. Ces règles s’imposent à tous, y compris à l’Autorité judiciaire.
C’est ainsi que, sur la base des faits connus, la Justice ne dispose d’aucun moyen juridique pour mettre en examen M. et Mme. Fillon. Si elle avait ces moyens, elle aurait fait une citation directe en correctionnelle au lieu de faire trainer l’affaire à loisir, de mobiliser trois juges d’instruction et de manipuler l’opinion publique à coup de communiqués de presse. Néanmoins, le Garde des Sceaux a pris la responsabilité de décider la mise en examen de François Fillon. Ce qui est grave, c’est que le Garde des Sceaux était auparavant Président de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale et à ce titre gardien de notre Constitution et du Règlement de l’Assemblée . Or il sait parfaitement que l’Assemblée est totalement libre de l’utilisation des fonds budgétaires qu’elle vote et que l’Autorité judiciaire n’a aucun pouvoir de contrôle en ce domaine.

 Il s’agit en définitive d’une opération délibérée d’instrumentalisation de la Justice, afin de perturber gravement la campagne présidentielle de François Fillon, lequel a obtenu le soutien de millions d’électeurs lors de la primaire de la droite et du centre.
La dernière illustration de cette perturbation vient d’être donnée par l’émission de France 2 en date du 23 mars dernier où François Fillon, invité en principe pour exposer le contenu de sa candidature, s’est vu exposé aux insultes de l’ invitée de David Pujadas : Christine Angot. 
Je me permets encore une dernière citation, à la page 164 du livre que nous parcourons . « Lorsqu’en juillet 2007, Bernard Squarcini est placé à la tête de la D S T par Nicolas Sarkozy, élu trois mois plus tôt, il découvre l’existence de « la maison des secrets » : le contre-espionnage a « embauché » des hackers qui sont logés gratuitement dans un pavillon et rémunérés chaque mois en liquide pour remplir des « missions off » au service de l’Etat. C’est ainsi que des informations personnelles sur des millions de clients se retrouvent dans un immense fichier clandestin, entre les mains du renseignement intérieur. »
 Un des auteurs de l’ouvrage « Bienvenue Place Beauvau », a démenti, sur France-info, avoir apporté une telle information. « On n’a jamais écrit ça », a-t-il affirmé. Il suffit pourtant de se rendre à la page 164 du livre pour trouver l’ information qu’il conteste avoir donnée.
Cela dit, on peut comprendre que le titre du livre que nous venons de parcourir soit teinté d’un certain humour. 
Ce n’est pas, en effet, en qualité de dirigeants de la Place Beauvau, c’est à dire du Ministère de l’Intérieur, que les auteurs du livre souhaitent la bienvenue à leurs lecteurs. Ils expriment plutôt , en tant que journalistes, un souhait qui peut paraître ambitieux : celui d’offrir à leurs lecteurs une visite dans le lieu où sont prises de nombreuses décisions qui intéressent leur avenir, sans qu’ils soient, pour autant, consultés.

Pierre Marchou

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