Je pense que la décision du Conseil de Sécurité de l’O N U en date du 30 décembre 2014 met sérieusement en danger la paix dans le monde.
Cette décision a repoussé une demande de l’Autorité Palestinienne visant la reconnaissance officielle d’un Etat Palestinien et la fin de l’occupation de l’armée israélienne en Cisjordanie.
Une fois de plus, l’O N U, en tant qu’organisation mondiale, n’est pas en mesure de mettre en application une décision qu’elle a pourtant prise elle-même, très officiellement, le 29 novembre 1947.
A cette date, en effet, l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies a décidé la création de deux Etats en Palestine: l’un pour les Juifs, l’autre pour les Arabes.
Le premier de ces deux Etats, Israël, a vu le jour en 1948.
Le second Etat, la Palestine, n’est toujours pas créé.
Nombreux sont les évènements qui ont contrarié la réalisation de cette importante décision de l’O N U du 29 novembre 1947. On peut rappeler notamment la guerre déclenchée par quatre pays arabes ( Egypte, Irak, Jordanie, Syrie ) contre Israël en 1948 et qui a fait l’objet d’un « cessez-le feu » organisé, en 1949, par l’O N U. Les Juifs et les Arabes de Palestine n’ont, finalement, joué qu’un rôle passif dans ces évènements, dont, répétons-le, les principaux acteurs sont, d’un côté, l’ONU, et, de l’autre côté, quatre pays arabes. Aujourd’hui encore, seule l’ONU est – pour le meilleur et pour le pire – responsable du plan de partage de la Palestine. C’est donc à elle seule qu’Il incombe de mener à bien cette opération.
Ce qui ressemble à de l’aveuglement – volontaire ou pas – explique peut-être l’échec des tentatives en faveur de la paix qui, depuis près de soixante-dix ans, se succèdent les unes aux autres, sans jamais aboutir.
Rappelons quelques unes de ces tentatives.
13 novembre 1974: discours de Yasser Arafat à l’ONU. Le 22, l’Assemblée générale de l’ONU reconnaît le droit des Palestiniens « à la souveraineté et à l’indépendance nationale ».
15 novembre 1988: à Alger, le Conseil national palestinien (CNP, parlement en exil), proclame l’Etat palestinien indépendant et accepte les résolutions 242 et 338 de l’ONU, reconnaissant ainsi implicitement l’existence d’Israël. En décembre, devant l’ONU à Genève, Yasser Arafat, chef de l’OLP, reconnaît le droit d’Israël à vivre « en paix », et déclare renoncer totalement au terrorisme.
13 septembre 1993 : Israël et l’OLP signent à Washington un accord de principe (« Oslo I ») sur une autonomie palestinienne transitoire de cinq ans. Le Premier ministre israélien Itzhak Rabin et Yasser Arafat échangent une poignée de main historique.
28 septembre 1995 : Israël et l’OLP signent à Washington l’accord négocié à Taba (« Oslo II ») élargissant l’autonomie en Cisjordanie et prévoyant une série de retraits israéliens par étapes.
Aujourd’hui, plutôt que d’allonger la triste liste de ces occasions manquées, je préfère consigner ici un texte qui, à mes yeux, éclaire en profondeur le conflit qui nous occupe. Le 4 novembre 1995, quelques minutes avant d’être assassiné, Itzhak Rabin, alors Premier Ministre de l’Etat d’Israël, prononçait un discours lors d’une manifestation pour la paix, sur la place des Rois d’Israël qui, depuis, porte son nom.
Voici le texte de ce discours :
Permettez-moi tout d’abord, de vous dire quelle émotion m’étreint en cet instant. Je souhaite remercier chacun d’entre vous, qui êtes venus ici manifester contre la violence, et pour la paix. Ce gouvernement, dont j’ai l’honneur et le privilège d’être le Premier ministre, aux côtés de mon ami M. Shimon Peres, a décidé de donner sa chance à la paix – une paix à même de pallier à l’essentiel des problèmes de l’État d’Israël.
J’ai servi dans l’armée pendant vingt-sept ans. J’ai combattu tant qu’aucune chance ne semblait réservée à la paix. J’ai la conviction aujourd’hui que la paix a ses chances, de grandes chances. Il nous faut tirer parti de cette chance unique, au nom de ceux qui sont ici présents, et au nom de ceux qui sont absents – et ils sont très nombreux. J’ai toujours eu la conviction que la majorité de la population aspirait à la paix, était prête à prendre des risques pour voir son avènement. Et vous êtes venus là, en cette place, affirmer ce que nombre d’absents pensent également, à savoir que le peuple aspire réellement à la paix, et s’oppose à la violence. La violence est opposée aux fondements même de la démocratie israélienne. Elle doit être condamnée, rejetée, mise au ban. L’État d’Israël ne saurait s’engager sur cette voie. Dans toute démocratie il y a place aux dissensions, mais la décision finale ne saurait être prise que dans le cadre d’élections démocratiques – telles que l’ont été celles de 1992 qui nous ont conféré le droit et le devoir de mettre en œuvre ce qu’aujourd’hui nous réalisons et de poursuivre sur cette voie.
Permettez-moi de vous dire combien je suis fier de pouvoir voir réunis ici aujourd’hui, et demain encore, les représentants des pays avec lesquels nous vivons aujourd’hui en paix : l’Égypte, la Jordanie, le Maroc – qui nous ont permis d’évoluer sur la voie de la paix. Je souhaite remercier le Président de l’État égyptien, le Souverain du royaume de Jordanie et le Roi du Maroc, de s’être faits représenter ici, en ce jour et de contribuer à la paix, à nos côtés.
Permettez-moi avant tout de dire que, depuis plus de trois ans que l’actuel gouvernement est en place, le peuple israélien a prouvé qu’il est possible de déboucher sur la paix ; que la paix est la clé d’une économie et d’une société moderne, et qu’elle n’apparaît pas seulement dans les textes de prières. La paix apparaît avant tout dans nos prières, mais elle est aussi l’aspiration du peuple juif, aspiration authentique et volonté de paix.
La paix a ses ennemis, qui tentent de porter leurs coups contre nous dans l’espoir de faire avorter le processus de paix. Je vous le dis, en vérité, nous avons trouvé des partenaires prêts à la paix, également parmi les Palestiniens : l’OLP, qui jadis était notre ennemi, a cessé de recourir au terrorisme. Sans partenaires prêts à la paix, il n’y aurait pas de paix. Nous leur demanderons de remplir la tâche qui leur est impartie pour la paix, comme nous remplirons la nôtre. Ce afin de résoudre l’élément le plus complexe, le plus ancien et le plus sensible du conflit israélo-arabe : le conflit israélo-palestinien.
Et pour cela, un immense merci à tous!
L’assassinat d’Itzhac Rabin a été perpétré dans les minutes qui ont suivi le discours que l’on vient de lire. Cet assassinat a placé le monde devant ses responsabilités.
Je me suis permis de citer ce discours, même s’il est déjà ancien, parce qu’il exprime ce que je crois être, aujourd’hui encore, l’opinion de nombreux Israéliens, même si leur actuel Premier Ministre s’exprime différemment.
Et il y a une autre suite à donner au discours d’Itzhak Rabin plutôt que le coup de feu mortel qui lui a été porté le jour où il l’a prononcé. Cette réponse est celle du bon sens : seul un Etat digne de ce nom peut garantir un voisinage pacifique à son voisin, l’Etat d’Israël.
Qu’est-ce qu’un Etat digne de ce nom? – C’est tout simplement un Etat doué d’une organisation capable d’assurer sa propre sécurité et celle de ses voisins. Un état qui se sait responsable de ses actes, aussi bien vis-à-vis de ses propres citoyens, que vis-à-vis des autres états.
Observons un instant ce qui a provoqué ce qu’on a appelé, en juillet-août 2014, « la guerre de Gaza »: Il y avait d’un côté un Etat responsable de ses actes, Israël, et, de l’autre côté, un territoire sur lequel ne s’exerçait aucune autorité digne de ce nom (observons au passage que c’est malheureusement encore le cas aujourd’hui). La conséquence de cette situation était clairement la suivante : n’importe qui pouvait envoyer un « scud » depuis le territoire de Gaza sur le territoire d’Israël sans risquer une sanction de la part d’une quelconque autorité locale. En conséquence, nombreux étaient les éléments incontrôlés (ou éventuellement contrôlés par le Hamas) qui pouvaient tirer profit de cette situation anarchique pour bombarder Israël. Et il faut bien reconnaître qu’Israël n’avait guère d’autre choix que de bombarder Gaza pour tenter d’empêcher les bombardements qui lui étaient infligés. Autrement dit, les milliers de morts et les ruines désastreuses qui ont résulté de la « guerre de Gaza » sont, à l’évidence la conséquence du voisinage, le long d’une même frontière, d’un Etat digne de ce nom, Israël, et d’un territoire livré à l’anarchie qui résulte de l’absence d’un Etat digne de ce nom, le territoire de Gaza. C’est bien pour cette raison que l’on peut affirmer que la création d’un Etat Palestinien, de l’autre coté de la frontière d’Israël constitue une condition essentielle de sa propre sécurité.
Refuser la création d’un Etat Palestinien ne peut que signifier la volonté de voir disparaître la possibilité, pour les Israéliens, de vivre en paix, et, pour les arabes de Palestine, de vivre librement.
Une telle attitude ne peut que nourrir une inquiétude grandissante dans la population israélienne, et, chez les arabes de Palestine, une révolte de plus en plus forte. Il y a là de quoi donner lieu à un conflit susceptible de déclencher un jour ou l’autre, directement ou indirectement, une explosion nucléaire.
2015 : il nous appartient de faire en sorte que cette année finisse mieux qu’elle n’a commencé. C’est ce que je nous souhaite, de tout cœur.
Pierre Marchou
17 janvier 2015
Recois en ce début d’année tous mes voeux les plus chaleureux. J’admire ta détermination a voir la paix réussir. Bien a toi et ton épouse, Olivier