Le 29 novembre 1947, l’Assemblée Générale de l’O N U votait la Décision 221 qui prévoyait la création de deux Etats, l’un pour les Arabes, l’autre pour les Juifs. Le décompte de ce vote est le suivant : 33 voix pour, 13 voix contre et 10 abstentions.
On peut dire aujourd’hui que cette décision de la communauté Internationale était un acte à la fois créateur et risqué.
Créateur , cet acte l’était à l’évidence, car il offrait une terre à la demande d’ un peuple que l’on avait tenté de détruire, et qui voulait se reconstruire : le Peuple Juif.
Mais cet acte comportait aussi un risque, dans la mesure où il prévoyait la création, côte à côte, de deux Etats a priori bien différents : l’État d’Israël et l’Etat Palestinen.
Aujourd’hui, le monde est encore confronté à ce risque. Car l’Etat d’Israël existe. Mais l’Etat Palestinen n’existe toujours pas. Pourtant, son existence semble à la fois indispensable aux Palestiniens, qui ont besoin d’un espace pour vivre librement et aux Israéliens qui ont besoin de la sécurité que seul peut leur assurer un voisin qui soit maître de son destin et responsable de ses actes.
Une chose, en tout cas, est claire : la communauté internationale ne peut plus continuer d’ignorer qu’elle a en charge le problème qui résulte du fait que la décision de l’O N U du 29 novembre 1947 n’est réalisée qu’à moitié.
Il est vrai que cette communauté internationale a fait semblant de penser, pendant des décennies, que le problème de la réalisation d’un Etat Palestinien devait être géré par les premiers intéressés, c’est-à-dire les Israéliens et les Palestiniens.
L’histoire des 70 dernières années montre hélas que les premiers intéressés ne sont pas en mesure de régler le problème, justement, peut-être, parce qu’ils sont les premiers intéressés.
A cet égard, un évènement récent apporte un éclairage significatif : c’est la déclaration de Benjamin Netanyahou, à la veille du scrutin législatif intervenu en Israël le 17 mars 2015, déclaration selon laquelle il s’oppose désormais à la création d’un Etat Palestinien. Il semble bien que Benjamin Netanyahou va conserver l’exercice du pouvoir en Israël. En conséquence, il n’y a que bien peu de chances pour que ce pays contribue, à court ou à moyen terme, à la création d’un Etat Palestinien.
Il est donc grand temps que la communauté internationale, c’est-à-dire l’O N U, prenne en charge ce problème. Les citoyens des pays européens, comme ceux du monde entier, doivent obtenir de leurs gouvernants un engagement dans ce sens. Il y va de l’intérêt de tous. Car il s’agit de résoudre un conflit susceptible de menacer la paix de notre monde.
Et seul, notre monde, représenté par l’O N U, a les moyens d’apporter une solution durable et démocratique à sa décision précitée du 29 novembre 1947. Elle seule dispose, pour ce faire, des moyens nécessaires : sur le plan politique, financier, et, au besoin, militaire.
Oui, la paix, dans cette région, et dans le monde, dépend de ce que l’O N U peut, et doit faire.
Nombreux sont ceux qui, à Vence comme ailleurs, se sentent concernés.
Venons-en maintenant à un article du quotidien «Times of Israël », dans son numéro du 6 mars 2016 :
Un groupe israélien du sud s’adresse au Président de l’ONU, Ban Ki-Moon, pour lui dire : «Faites cesser le blocus de Gaza »!
Un groupe d’Israéliens vivant dans le sud du pays, près de la bande de Gaza, a appelé le Secrétaire Général des Nations Unies afin de persuader leur gouvernement (Israël) de cesser son blocus, qui dure depuis des années, sur le territoire de Gaza, dirigé par le Hamas.
Le groupe, qui agit sous le nom de « Une voix différente », a envoyé jeudi une lettre à Ban Ki-Moon, lui demandant son aide pour mettre fin à la crise humanitaire à Gaza, a annoncé la Deuxième Chaîne israélienne.
Notons, au passage, que cet article de presse, et l’émission télévisée qu’il évoque, apportent la preuve de ce que la liberté de la presse est une réalité en Israël.
Nous avons envoyé des appels répétés à notre gouvernement pour lever le siège en cours sur Gaza, un siège qui prend au piège 1,8 million de personnes dans une petite bande de terre, » a écrit le groupe. « Au cours des années, nous avons envoyé un nombre innombrable de lettres et de pétitions au Premier ministre Benjamin Netanyahu, aux ministres du gouvernement israélien et aux députés, ont-ils écrit. Nous avons souligné que le siège était une bombe à retardement pour nous tous, et nous exprimons nos profondes inquiétudes sur la détérioration de la qualité de vie dans la bande de Gaza : 80 % de la population de Gaza dépend de l’aide internationale.
Israël a imposé un blocus terrestre et maritime sur la bande de Gaza après la prise de pouvoir par le Hamas dans un coup d’état sanglant en 2007, qui a vu le mouvement du Fatah du président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, se trouver évincé de la bande de Gaza.
Le Hamas est une organisation terroriste islamiste qui cherche ouvertement à détruire Israël. Le blocus a également été mis en place par le président égyptien Abdel-Fattah el-Sissi après qu’il ait remplacé son prédécesseur islamiste Mohamed Morsi.
Israël affirme que le blocus est essentiel pour empêcher les terroristes d’obtenir des matériaux pour fortifier leurs positions militaires, creuser des tunnels et construire des roquettes à tirer contre l’Etat juif. Israël a dans les huit dernières années lancées trois opérations militaires pour faire cesser cette activité. »
La lettre du groupe affirme que les opérations militaires israéliennes n’ont fait qu’exacerber la situation. « Trois guerres – Plomb durci [en 2008 – 2009], Pilier de défense [en 2012], et Bordure protectrice [en 2014] – ont laissé derrière nous, en plus des morts et des blessés, des civils psychologiquement effrayés. Les dommages physiques et psychologiques que ces guerres ont causé aux Israéliens sont difficiles et épuisants, » est-il affirmé dans cette même lettre.
Nos appels répétés à notre gouvernement n’ont été considérés d’aucune manière. Gaza continue à s’enfoncer dans la catastrophe, et nous en Israël n’avons aucun signe d’espoir et de changement. Même l’échelon professionnel de l’establishment de la défense prévient de ce qui va arriver si nous ne prenons pas des mesures immédiates pour aider les résidents de Gaza à améliorer leurs conditions de vies élémentaires ».
Nous nous tournons vers vous et le reste des états membres de l’ONU, pour utiliser le pouvoir de l’Organisation que vous dirigez pour influencer notre gouvernement dans le but de mettre fin au siège et de servir une politique morale et humanitaire qui inspire de l’espoir aux peuples des deux côtés de la frontière, » ont écrit les auteurs de la lettre.
L’appel se conclut ainsi : « Personne ne devrait avoir à payer le prix de la guerre et autres hostilités. Personne, quelque soit son affiliation nationale, ne devrait vivre sans eau potable, sans électricité, sans emploi ou sans domicile. Nous tous, êtres humains des deux côtés de la frontière, méritons une vie de dignité et de droits fondamentaux. »
Comme nous venons de le lire, ce sont aujourd’hui des Israéliens qui demandent au Président de l’O N U de prendre une initiative qui impose la prise en main du territoire que l’on nomme, faute de mieux la « Bande de Gaza ». Ce territoire, en effet, ne peut continuer de vivre sous la domination d’un groupe qui s’est imposé par la force armée : le Hamas. Il doit être géré par une communauté démocratiquement élue, comme c’est le cas d’Israël, et comme cela doit être le cas pour un futur Etat Palestinien.
C’est ainsi que l’O N U se retrouve face à sa responsabilité : celle de réaliser enfin, dans sa plénitude, le plan de partage qu’elle a décidé en 1947.
Voici, enfin, un article publié dans le quotidien « Le Monde », le 9 février 2016, sous la signature du journaliste Piotr Smolar :
« Rawabi, la nouvelle ville palestinienne qui rivalise de confort avec les colonies. »
« Un miracle sort de terre. Lentement, péniblement, dans le vacarme et la poussière. Les obstacles sont nombreux, les vents contraires puissants. Mais pierre par pierre, Rawabi cesse d’être » un plan d’architecte à la géométrie parfaite ou encore une maquette pour visiteurs. Rawabi existe. Et confirme, après de longues années, son destin révolutionnaire : devenir la première ville palestinienne moderne, pensée et bâtie au service de ses occupants. Elle va ainsi bouleverser les clichés sur les territoires palestiniens, selon lesquels les seules zones d’habitation confortables seraient les colonies, irriguées par l’argent public israélien.
Encore faut-il que Rawabi se peuple. Les occupants s’installent au compte-gouttes, en pionniers enthousiastes, tandis que les grues et les ouvriers s’activent sur cet immense chantier, situé à neuf kilomètres au nord de Ramallah, la capitale de la Cisjordanie.
Sur une colline proche, les habitants juifs de la colonie d’Ateret observent avec inquiétude les avancées. A trois reprises, des mains mystérieuses ont arraché le grand drapeau palestinien flottant au sommet de Rawabi. Pour l’heure, deux quartiers sur les vingt-trois que comptera la cité sont déjà opérationnels. Le centre, construit en forme de lettre Q – comme Qatar, principal bailleur de fonds, par l’intermédiaire de la société Qatari Diar – abritera des boutiques, des restaurants, des cinémas, des salles de conférence, et des locaux pour jeunes entrepreneurs.
Coût total de Rawabi, à cette heure : 1,2 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros), contre 850 millions prévus à l’origine.
Les deux quartiers achevés ressemblent pour l’instant à un décor de film. La propreté est impeccable, les allées piétonnes ne résonnent pas des cris des enfants. Il faudra encore patienter quelques mois avant que les premiers magasins – épicerie et pharmacie – permettent aux habitants de se ravitailler sur place. Rien de cela n’a rebuté la famille Al-Gabareen. Raga, 30 ans, et son mari, Mohammed, 34 ans, achèvent le déballage des cartons. La famille vivait à Al-Bireh, près de Ramallah, dans une rue bruyante, sans jardin ni ascenseur. Les voilà qui s’émerveillent de leur nouveau cadre de vie, 190 mètres carrés sentant la peinture fraîche et le cuir neuf. « Pour l’instant, on est les seuls à vivre dans l’immeuble, c’est bizarre mais très relaxant, s’amuse Raga. Des familles viennent nous demander des conseils avant d’emménager. »
Manager dans une agence de publicité, elle explique leur démarche. « Rawabi est une ville intelligente, toutes les infrastructures sont prévues à l’avance, dit-elle. Je veux que mes enfants grandissent dans un environnement sécurisé et écologique. » Le couple a acheté l’appartement pour 126 000 dollars. Il a payé 15 % de la somme et contracté un crédit à 4,75 %, particulièrement bas, consenti par la banque pour ce projet à nul autre pareil.
A ce jour, 650 appartements ont été vendus. Une fois achevé, Rawabi en comptera 6 000. Les candidats sont attirés à la fois par le confort et les installations modernes, par l’espace proposé, mais aussi par les prix. « On est 25 % moins cher que Naplouse, au nord, ou Ramallah, explique Amir Dajani, manager adjoint du chantier. On veut capitaliser sur la population jeune et éduquée, grâce, notamment, à la proximité de l’université Beir Zeit. » Parmi les acheteurs, il y a des chrétiens, des personnes vivant en Israël, voire des Palestiniens résidant à l’étranger, voulant investir dans un projet d’avenir.
Par la fenêtre de son modeste bureau, Bashar Masri ne se lasse pas d’observer les premiers camions de déménagement qui pénètrent dans Rawabi, sa folie. Agé de 54 ans, le patron de Massar International est l’un des plus riches entrepreneurs palestiniens. Il a fait fortune dans des projets immobiliers au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Sur le mur, un plan de la ville, qui ressemble à un scarabée. « C’est le plus grand projet de l’histoire palestinienne, dit-il. Ma vision n’est pas Rawabi, mais l’effet domino qu’il provoquera. Le manque de logements en Cisjordanie s’élève à 200 000 unités. Nous n’en construisons ici que 6 000. Je crois qu’un Etat palestinien est en gestation, mais cela réclame des dizaines d’années. La question n’est pas si l’occupation israélienne s’achèvera un jour. C’est sûr. La question est : quelle sera la nature de notre Etat ? Quelle bonne gouvernance, quelle économie saine, quel cadre de vie ? »
Bashar Masri est un visionnaire endurant. Rawabi l’obsède depuis 2007. Rencontré une première fois au printemps 2015, il retenait sa respiration. Après un an de retard dans la construction, de lourds problèmes financiers et des intérêts à payer par dizaines de millions de dollars, la lumière apparaissait. En pleine campagne électorale israélienne, le gouvernement venait de donner le feu vert à l’ouverture de l’eau vers Rawabi. C’était une affaire de vie ou de mort. Jusqu’alors, la construction de canalisations passant par une zone sous contrôle militaire israélien se heurtait à un refus. A présent, 300 mètres cubes d’eau parviennent chaque jour jusqu’à la ville. Il en faudra bien davantage lorsque les habitants afflueront. Mais le robinet est ouvert, voilà l’essentiel.
Le grand problème à régler reste celui de la route. Une seule voie d’accès, étroite, permet d’arriver à Rawabi. La ville se trouve en zone A, sous contrôle de l’Autorité palestinienne. Mais la construction d’une route large, à plusieurs voies, qui permettrait de rejoindre Ramallah en 10 minutes en passant par la zone C, réclame l’accord de l’administration israélienne. « Ils finiront par accepter, soupire M. Masri. Mais le diable est dans les détails. Tout d’un coup, ils demandent une étude d’impact environnemental, et une autre sur la circulation prévue… »
Masri a tout fait pour dépolitiser Rawabi, afin de ne pas devenir otage du conflit. Puisque les officiels palestiniens eux-mêmes, incapables de percevoir la puissance symbolique du projet, ne s’y sont pas beaucoup intéressés, l’entrepreneur a continué son chemin, seul. «L’Autorité[palestinienne] nous a donné un soutien moral et politique, mais sans investir un seul sou, regrette-t-il. Ils auraient dû, grâce à la perception des impôts, installer l’électricité, le poste de police, la caserne des pompiers, les routes d’accès ! »
On a aussi raillé Rawabi en le décrivant comme un projet artificiel, un décalque des colonies juives arrogantes qui dominent les villages palestiniens traditionnels, en contrebas. Comme si les Palestiniens n’avaient pas le droit, eux aussi, à un plan d’urbanisation, à un environnement favorable. Comme si tout ne devait être que lutte, et pas jouissance. Voilà, au fond, le reproche majeur adressé au projet : il symbolisait, aux yeux des révolutionnaires professionnels, l’abandon de la lutte nationaliste au profit d’une quête banale, celle d’une vie confortable. »
Cet article du journal « Le Monde » inspire quelque chose que l’on pourrait qualifier d’ « espoir inquiet. » Voici en effet que la terre de Jérusalem est peut-être en mesure de donner naissance, aujourd’hui, à une « machine à faire la paix! »
« Quiconque investit en Palestine prend des risques, c’est évident » déclarait, il y a déjà quelques années Bashar Masri, le créateur de Rawabi. Et il ajoutait : « Mais il faut prendre des risques. Un Etat Palestinien est en train de se bâtir; il n’existera pas sans développement économique et j’aime à penser que notre projet participe à la création d’un Etat viable.
Censée accueillir 40 000 habitants (au lieu des 15 000 prévus à l’origine) Rawabi a été conçue à la manière d’une banlieue américaine, bien loin de l’image que véhiculent généralement les territoires palestiniens. Car, avec ses appartements de luxe, ses cafés, ses galeries commerçantes, Rawabi reflète l’émergence d’une nouvelle classe moyenne palestinienne. »
Comment ne pas ressentir de l’espoir en voyant cette nouvelle ville de Rawabi offrir une magnifique promesse de vie heureuse.
Ce chantier nous concerne tous.
Et nous voyons bien que ce chantier suppose la création d’un Etat Palestinien, seul capable de garantir à long terme la paix et la sécurité dont il a besoin. Comme en a tout autant besoin l’Etat voisin : Israël.
Encore une fois, seule l’Organisation des Nations Unies dispose des moyens politiques, financiers, et, au besoin, militaires, pour mener à bien cette réalisation dans les conditions démocratiques qu’elle exige.
Il appartient aux membres de l’O N U de décider cette réalisation. La France, notre pays, en fait partie.
Il est donc de notre responsabilité de convaincre nos gouvernants de servir la mise en œuvre de cette importante démarche.
Pierre Marchou